
Chouette !
Ligne 31, début d'automne pluvieux et tristoune. J'arrive bientôt au terminus , plus qu'un arrêt, un feu et on y est. Le battement prévu est correct , je vais pouvoir souffler car je suis fatiguée. J'aborde l'arrêt, le haut parleur annonce le prochain terminus assez fort, ça devrait suffire.
Et ça va car tout le monde descend sauf un grand gars et une toute petite mamie au casque de cheveux blancs qui la fait ressembler de loin à un Playmobil à taille humaine. Eux veulent monter aaaaaaaabsolument par la porte du milieu. J'essaie d'agenouiller le bus pour leur permettre de monter en toute sécurité mais le bus hoquette, il est un peu ancien...Ça agace la dame :
- Bon alors ?!?
Moi je ne peux rien faire de plus, ça dépasse mes compétences. Le grand gars l'aide à monter et attrape son chariot. Elle râle avec de grands gestes en ma direction, je n'écoute pas : c'est bientôt le battement…
Nous arrivons au feu rouge de la voie de bus, d'habitude un peu long, il s'avère que là il ne nous détecte pas ! Flûte !!
Nous sommes coincés…
Une phase de feu vert pour les voitures...deux phases...TROIS phases !
Là j'entends une voix chevrotante crier :
- La pooooooorteuh ! (Oh la vieille chouette ! )
Je n'arrive pas à me retenir, je suis fatiguée :
- L'ARRÊT !
La chouette ne hulule plus, surprise…
Puis elle recommence :
- LA PORTE !
- L'ARRÊT !
- LA PORTE !
- L'ARRÊT ! On est au feu rouge là, pas à l'arrêt.
- Bon ben faut y aller maintenant !
- J'irai quand le feu sera vert Madame, quand c'est rouge je ne bouge pas !
(On dirait une blague !)
La chouette se tait à nouveau. Feu vert, nous démarrons, elle se remet à râler :
- BEN QUAND ON AIME PAS LES GENS FÔ PAS FAIRE CE MÉTIER !
Elle fait des moulinets avec son poing en l'air, le grand gars essaie de la calmer. Toujours au loin car Lâcheté est sa muse inspiratrice visiblement .
Nouveau feu...demi tour...arrivée au terminus enfin ! Un véhicule mal garé gêne la descente par la porte du milieu.. Elle râle très fort, le grand gars lui propose de l'aider à sortir par la porte du fond ce qu'elle refuse vertement. Je lui propose de descendre par l'avant où elle sera bien plus en sécurité. Elle hésite et accepte finalement. Elle s'approche lentement en tirant son chariot, elle commence à crier mais plus elle s'approche, plus elle se voûte et moins elle crie :
- J'EN AI MARRE, VOUS M'AIMEZ PAS ! VOUS AIMEZ PAS LES GENS !! Fô changer de métier !...Vous êtes méchant Monsieur…
- Moi c'est Madame.
- Et en plus c'est une femme...Konasse !