Miracle De Noël
Anecdote de Jean-Éric Moragues, conducteur receveur depuis 4 ans (permis D depuis 30 ans). Article rédigé sous son contrôle et avec ses encouragements.
Ligne 11, Jean-Éric est nouveau dans l'entreprise lorsqu'il vit enfin sa première journée seul au volant. Il a bien appris comme il faut sa ligne, l'a refait mille fois dans sa tête pour être certain de ne pas rater un arrêt. Je le connais le bonhomme, il est parmi ceux qui m'ont accueillie comme une égale quand je suis arrivée, tranquille et souriant. Départ du dépôt 5h30, il fait encore nuit...Tout est calme, il fait bon...Premier arrêt, personne. Deuxième arrêt, toujours personne. Troisième arrêt, Jean-Éric regretterait presque sa solitude...Quatrième arrêt, l'ennui guette presque lorsque soudain, cinquième arrêt ! Il croit apercevoir un quidam et puis finalement non...ah mais si !!! C'est un « PMR », un acronyme poli pour signifier tout usager susceptible d'avoir besoin que l'on déploie pour son confort et sa sécurité la « palette ». Ce praticable télécommandé par nos soins qui nous semble toujours trop long à se déployer.
Le PMR monte, Jean-Éric se penche vers l'arrière de la salle voyageur :
- Bonjour, jusqu'où allez vous s'il vous plait ?
- Jusqu'à la Gare merci
- (Sans réfléchir, Jean-Éric lui oppose une réponse automatique) OK, ça roule !
- Vous vous moquez de moi ???
Puis, se rendant compte de sa bourde se mélange les pinceaux dans les commandes de la palette qui peine à rentrer dans son habitacle. La sueur perle sur son front...
- Non non, pas du tout (Pfiou, pfiou !). On y va, ça marche ! (Naaaaaaaan ! C'est pas possible, encore une bourde sur la mobilité...nul nul nul...)
Tout occupé qu'il est à reprendre le contrôle de sa palette, Jean-Éric sent soudain une présence auprès de lui. Le PMR est là, à côté de lui, à l'avant du bus, tout sourire et surtout DEBOUT ! Son fauteuil est resté dans l'espace réservé, au centre du bus.
Il éclate de rire en constatant l'embarras de son conducteur. Jean-Éric est détendu instantanément : le monsieur a de l'humour. Comme lui.
S'en suit un échange mi-amusé, mi- grave : « son » PMR est un rescapé : après un accident on lui a amputé la jambe sous le genou puis suite à l'attaque d'un staphylocoque doré, on a dû le réamputer au dessus du genou...
Le fauteuil ce n'est pas pour le folklore mais il semble le vivre du mieux qu'il peut. Depuis, Jean-Éric et lui se retrouvent régulièrement et échangent comme deux vétérans. C'est de bonne guerre.