
Sénile
Printemps covidé, il fait beau, bon et ça circule correctement. Ligne 2, j'arrive dans le secteur de Mériadeck, hyper centre-ville, bientôt le terminus et heureusement car j'ai très envie de faire pipi. À cet endroit là, il faut faire attention car on doit légèrement se déporter à gauche sans pour autant couper la route à ceux qui arrivent en face ET faire attention aux piétons qui eux ont un passage protégé en biais.
Personne en face : super, je m'avance et là, le piéton véloce que j'avais bien perçu à droite grâce à mon oeil de lynx s'engage sur les bandes blanches au ras de ma carrosserie. Je stoppe bien sûr d'autant plus qu'elle se met à hurler. C'est une mamie qui comme par enchantement se courbe et traîne la patte.
- "Elle veut m'écraser !!! Regardez ! Regardez ! Elle a voulu m'écraser !"
(Moi en mon for intérieur de Caliméro : " Mais non, c'est pas vrai !)
Et elle continue à m'invectiver, prenant à témoin des passants invisibles :
- "Vous avez vu hein ? Elle a vraiment voulu m'écraser là ! Alors comme ça on écrase les gens ?"
Mes yeux deviennent de plus en plus ronds, je ne peux pas me retenir de lui répondre :
- "Mais enfin, vous POUVEZ traverser, j'ai pas bougé !"
- "Ah mais elle répond en plus ! Vous avez voulu m'écraser, je vous ai vu, ça s'fait pas ! Ah ! Je vais le dire que vous écrasez les gens !"
Son cheveu blanc filasse s'agite autant sous le vent que sous la colère, ses yeux bleu glacier me transpercent. Et je suis là, comme une coucouille, en plein milieu du carrefour avec mon 18m.
Elle, elle traverse toujours, lentement...
Une cliente me sort de ma sidération :
- "On peut peut-être y aller maintenant, elle est passée la folle."
Oui, on peut y aller...je regarde quand même à gauche au cas où : plus de mamie !!!